Super-Chien est un héros !
Je suis tombé l'autre jour sur une vidéo qui m'a fait sourire. Pas que le sujet soit particulièrement marrant : des chiens errants qui, au Chili, se baladent un peu partout et sont victimes d'accidents en traversant les routes. La vidéo ci-dessous nous montre un chien heurté par une voiture (pas très chouette, même si on voit assez peu de sang et de boyaux), accident qui aurait sans nul doute provoqué un nouveau deuil tragique dans les chenils, mais l'indifférence générale chez les humanoïdes bipèdes. Mais alors que tout espoir semblait perdu et que le pauvre canidé semblait voué à une lente agonie sur la voie rapide (ou à une mort abrégée par quelque automobiliste compatissant), alors que la lumière du Paradis des chiens apparaissait au bout du tunnel, un événement inattendu va complètement changer le regard porté sur la scène, et transformer un banal (quoique déplorable) accident en scène héroïque et emplie d'une morale à portée universelle :
Le commentaire dit à peu près :
Ces images provenant des caméras de surveillance montrent une situation courante sur nos autoroutes surchargées. Il est normal pour nous de voir des chiens les traverser. Dans cette vidéo, nous pouvons voir ce chien agonisant après avoir été percuté par un véhicule.
Ce qui est très touchant, c'est de voir l'héroïque action de cet autre chien qui essaie de le sauver en le tirant hors de la route. Nous continuerons de voir ce genre de choses tant que nous n'aurons pas trouvé une solution pour ces chiens errants.
Je sais pas vous mais moi j'en ai pleuré tellement c'était beau. Nan c'est vrai, tant de compassion, d'amitié canine, d'amour même, et tant de courage d'avoir ainsi bravé le danger pour sauver son camarade. Les hommes devraient décidément tirer bien des leçons de cet acte de bravoure.
Une autre vidéo sur Youtube montrant les même images a même été titré THE HERO DOG NO RETREAT NO SURRENDER (en gros, "le chien héros ne bat pas en retraite et ne se rend pas"). Pour un peu on en ferait un patriote, un symbole national. Les commentaires sur Youtube louent presque tous l'acte grandiose et généreux, et sur ce blog, le commentaire est pareillement élogieux :
Ce truc est incroyable ! Un chien heurté par une voiture est étendu sur une autoroute très fréquentée au Chili. Un chien sur le bord de la route a vu l'autre chien et a décidé de le sauver. Il a attrapé sa fourrure et l'a tiré en douceur en lieu sûr sur le bord de la route. Les chiens sont vraiment intelligents (le mot anglais est smart, qu'on pourrait presque traduire ici par "bons", au sens de bonté d'âme) et cette vidéo le prouve.
Bien. Admettons que le chien en question ait pu éprouver quelque chose pour un autre chien blessé, admettons qu'il l'ait tiré sur le bord de la route à cause de quelque chose assimilable à de la compassion. Faut-il pour autant en faire un héros, voire un candidat à la canonisation ? Plus froidement, ne peut-on pas envisager l'hypothèse que notre Super-Chien avait sérieusement la dalle à force d'errer dans les rues et, ayant vu un compatriote bien entamé, il ait eu envie de le tirer hors d'atteinte pour en manger un morceau tranquillement ?
La réponse est non, bien sûr. D'ailleurs, je pense qu'il est de mon devoir de vous narrer la véritable histoire, celle qu'on fera dans quelques années de cet instant mythique de bravoure canine :
Lors d'un matin froid de décembre, Laïka (oui, nous lui donnerons le nom d'un autre chien martyr pour mieux transmettre l'ampleur de son destin brisé) errait sans but le long d'une autoroute très fréquentée. Trois jours déjà qu'elle n'avait rien mangé, et en désespoir de cause, elle s'était résignée à revenir sur ces lieux, à la recherche de quelque restes de repas jetés par les automobilistes. Bien sûr, elle avait tout fait pour repousser l'échéance. Elle se remémorait les paroles de son grand-père, qui avait perdu la vue et l'usage de ses membres postérieurs suite à un accident sur cette même route. Il lui répété, de la voix faible qui était la sienne dans ses dernières heures, de ne jamais approcher de l'autoroute : "Laïka, Laïka, ma petite-fille, ne commet pas mon erreur, garde toi de cette route où ne s'exprime que la folie des hommes. Croyant y faire festin, je n'y ait trouvé qu'une souffrance terrible et la désolation pour le reste de mon existence. Laïka, jure-moi de ne jamais poser ta jolie patte soyeuse sur le goudron rude et froid de ce sentier de la mort." Elle avait promis, et alors que se dessinait sur les babines du vieillard un sourire de satisfaction, il s'en était allé rejoindre le Paradis des chiens. Longtemps elle avait pleuré : il était sa seule famille, et elle se retrouvait livrée à elle-même dans ce monde glacé et hostile.
Pourtant, des années durant, elle avait mené une vie satisfaisante, profitant des poubelles des restaurants de la ville, de menus larcins et de la bonté des passants. Oui, elle en avait la conviction, à cette époque bénie elle avait touché le bonheur du coussinet.
Mais hélas, les temps avaient changé. Aujourd'hui, toujours plus nombreux étaient les chiens jetés à la rue, et toujours plus dure était la lutte pour quelque misérable morceau de viande. Quand des molosses plus forts qu'elle avaient investi sa zone de prospection, elle avait dû quitter la place, ses frêles épaules ne lui étant d'aucun secours pour défendre son quartier. Depuis, elle vagabondait de ci de là, en quête du moindre morceau de nourriture. Mais le destin, décidément bien cruel, n'avait que faire de sa détresse. Sur son passage, les gens jadis si accueillants se détournaient, agacés d'être sans cesse harcelés par leurs compagnons à quatre pattes. Et un jour que le soleil s'élevait à l'horizon, elle aperçut au loin l'autoroute, la maudite autoroute, celle qu'elle avait juré de bannir de son chemin. Elle avait lutté, de toutes ses forces, mais la faim troublant ses sens, et presque malgré elle, Laïka s'était retrouvé là, à longer cette route dans l'espoir de trouver quelque chose à se mettre sous la dent.
Soudain, alors que ses derniers espoirs là quittaient, quelque chose attira son regard : n'était-ce pas un morceau de viande fraîche qui luisait là, au centre de la route ? Elle n'était pas sûre, mais à mieux y regarder l'image se précisa dans sa tête. Oui ! C'était bien un steak, bien saignant ! Il trônait là, à quelques mètres seulement de sa mâchoire affamée ! Il lui sembla qu'il l'appelait : "Viens, viens Laïka, mange-moi, je n'attendais que toi !" Alors Laïka traversa, vite, avec agilité, tellement rapidement qu'elle n'était plus qu'à une poignée de centimètres de la belle viande saignante.
Le choc fut terrible. Elle ne comprit pas. Elle ne voyait plus la viande, où était-elle ? Son esprit ne l'avait-il pas dupée ? Pour l'heure, elle ne sentait que cette douleur affreuse, terrible. Et déjà elle sentait ses forces l'abandonner, alors qu'elle comprenait à présent qu'elle avait été heurtée par un de ces engins de la mort qui avait atrocement mutilé son grand-père. Tout espoir s'évanouissait, et elle commençait à prier le Dieu des chiens d'abréger ses souffrances, quand soudain, surgissant de nulle part, dans un éclair blanc, il apparut. Etait-ce Dieu ? Non, mieux encore : sous ses yeux éblouis se dressait fièrement un être héroïque qu'elle avait toujours considéré comme une fable que l'on raconte aux jeunes chiots. Mais elle ne rêvait pas, c'était bien lui, c'était Super-Chien ! En un bon, il fut à ses côtés, et, esquivant avec une grâce suprême les véhicules qui fonçaient de tous côtés, il saisit Laïka, la hissa sur ses épaules, et d'un bon, avant même que l'infortunée ait pu réaliser ce qui se passait, elle était en sécurité, sur le bas côté de la route. Elle se tourna vers Super-Chien, les yeux brouillés par les larmes de la reconnaissance. Il lui sourit, étendit la patte et à l'instant même, elle ne ressentit plus ni la douleur, ni la faim. Elle était guérie, parfaitement, et en bonne santé. Elle voulut sauter au cou de Super-Chien pour le remercier, mais il avait déjà disparu, appelé par une autre mission. Elle ne put que distinguer l'éclair blanc qui, en un instant fugace, disparut dans l'horizon azuré.
Le commentaire dit à peu près :
Ces images provenant des caméras de surveillance montrent une situation courante sur nos autoroutes surchargées. Il est normal pour nous de voir des chiens les traverser. Dans cette vidéo, nous pouvons voir ce chien agonisant après avoir été percuté par un véhicule.
Ce qui est très touchant, c'est de voir l'héroïque action de cet autre chien qui essaie de le sauver en le tirant hors de la route. Nous continuerons de voir ce genre de choses tant que nous n'aurons pas trouvé une solution pour ces chiens errants.
Je sais pas vous mais moi j'en ai pleuré tellement c'était beau. Nan c'est vrai, tant de compassion, d'amitié canine, d'amour même, et tant de courage d'avoir ainsi bravé le danger pour sauver son camarade. Les hommes devraient décidément tirer bien des leçons de cet acte de bravoure.
Une autre vidéo sur Youtube montrant les même images a même été titré THE HERO DOG NO RETREAT NO SURRENDER (en gros, "le chien héros ne bat pas en retraite et ne se rend pas"). Pour un peu on en ferait un patriote, un symbole national. Les commentaires sur Youtube louent presque tous l'acte grandiose et généreux, et sur ce blog, le commentaire est pareillement élogieux :
Ce truc est incroyable ! Un chien heurté par une voiture est étendu sur une autoroute très fréquentée au Chili. Un chien sur le bord de la route a vu l'autre chien et a décidé de le sauver. Il a attrapé sa fourrure et l'a tiré en douceur en lieu sûr sur le bord de la route. Les chiens sont vraiment intelligents (le mot anglais est smart, qu'on pourrait presque traduire ici par "bons", au sens de bonté d'âme) et cette vidéo le prouve.
Bien. Admettons que le chien en question ait pu éprouver quelque chose pour un autre chien blessé, admettons qu'il l'ait tiré sur le bord de la route à cause de quelque chose assimilable à de la compassion. Faut-il pour autant en faire un héros, voire un candidat à la canonisation ? Plus froidement, ne peut-on pas envisager l'hypothèse que notre Super-Chien avait sérieusement la dalle à force d'errer dans les rues et, ayant vu un compatriote bien entamé, il ait eu envie de le tirer hors d'atteinte pour en manger un morceau tranquillement ?
La réponse est non, bien sûr. D'ailleurs, je pense qu'il est de mon devoir de vous narrer la véritable histoire, celle qu'on fera dans quelques années de cet instant mythique de bravoure canine :
Lors d'un matin froid de décembre, Laïka (oui, nous lui donnerons le nom d'un autre chien martyr pour mieux transmettre l'ampleur de son destin brisé) errait sans but le long d'une autoroute très fréquentée. Trois jours déjà qu'elle n'avait rien mangé, et en désespoir de cause, elle s'était résignée à revenir sur ces lieux, à la recherche de quelque restes de repas jetés par les automobilistes. Bien sûr, elle avait tout fait pour repousser l'échéance. Elle se remémorait les paroles de son grand-père, qui avait perdu la vue et l'usage de ses membres postérieurs suite à un accident sur cette même route. Il lui répété, de la voix faible qui était la sienne dans ses dernières heures, de ne jamais approcher de l'autoroute : "Laïka, Laïka, ma petite-fille, ne commet pas mon erreur, garde toi de cette route où ne s'exprime que la folie des hommes. Croyant y faire festin, je n'y ait trouvé qu'une souffrance terrible et la désolation pour le reste de mon existence. Laïka, jure-moi de ne jamais poser ta jolie patte soyeuse sur le goudron rude et froid de ce sentier de la mort." Elle avait promis, et alors que se dessinait sur les babines du vieillard un sourire de satisfaction, il s'en était allé rejoindre le Paradis des chiens. Longtemps elle avait pleuré : il était sa seule famille, et elle se retrouvait livrée à elle-même dans ce monde glacé et hostile.
Pourtant, des années durant, elle avait mené une vie satisfaisante, profitant des poubelles des restaurants de la ville, de menus larcins et de la bonté des passants. Oui, elle en avait la conviction, à cette époque bénie elle avait touché le bonheur du coussinet.
Mais hélas, les temps avaient changé. Aujourd'hui, toujours plus nombreux étaient les chiens jetés à la rue, et toujours plus dure était la lutte pour quelque misérable morceau de viande. Quand des molosses plus forts qu'elle avaient investi sa zone de prospection, elle avait dû quitter la place, ses frêles épaules ne lui étant d'aucun secours pour défendre son quartier. Depuis, elle vagabondait de ci de là, en quête du moindre morceau de nourriture. Mais le destin, décidément bien cruel, n'avait que faire de sa détresse. Sur son passage, les gens jadis si accueillants se détournaient, agacés d'être sans cesse harcelés par leurs compagnons à quatre pattes. Et un jour que le soleil s'élevait à l'horizon, elle aperçut au loin l'autoroute, la maudite autoroute, celle qu'elle avait juré de bannir de son chemin. Elle avait lutté, de toutes ses forces, mais la faim troublant ses sens, et presque malgré elle, Laïka s'était retrouvé là, à longer cette route dans l'espoir de trouver quelque chose à se mettre sous la dent.
Soudain, alors que ses derniers espoirs là quittaient, quelque chose attira son regard : n'était-ce pas un morceau de viande fraîche qui luisait là, au centre de la route ? Elle n'était pas sûre, mais à mieux y regarder l'image se précisa dans sa tête. Oui ! C'était bien un steak, bien saignant ! Il trônait là, à quelques mètres seulement de sa mâchoire affamée ! Il lui sembla qu'il l'appelait : "Viens, viens Laïka, mange-moi, je n'attendais que toi !" Alors Laïka traversa, vite, avec agilité, tellement rapidement qu'elle n'était plus qu'à une poignée de centimètres de la belle viande saignante.
Le choc fut terrible. Elle ne comprit pas. Elle ne voyait plus la viande, où était-elle ? Son esprit ne l'avait-il pas dupée ? Pour l'heure, elle ne sentait que cette douleur affreuse, terrible. Et déjà elle sentait ses forces l'abandonner, alors qu'elle comprenait à présent qu'elle avait été heurtée par un de ces engins de la mort qui avait atrocement mutilé son grand-père. Tout espoir s'évanouissait, et elle commençait à prier le Dieu des chiens d'abréger ses souffrances, quand soudain, surgissant de nulle part, dans un éclair blanc, il apparut. Etait-ce Dieu ? Non, mieux encore : sous ses yeux éblouis se dressait fièrement un être héroïque qu'elle avait toujours considéré comme une fable que l'on raconte aux jeunes chiots. Mais elle ne rêvait pas, c'était bien lui, c'était Super-Chien ! En un bon, il fut à ses côtés, et, esquivant avec une grâce suprême les véhicules qui fonçaient de tous côtés, il saisit Laïka, la hissa sur ses épaules, et d'un bon, avant même que l'infortunée ait pu réaliser ce qui se passait, elle était en sécurité, sur le bas côté de la route. Elle se tourna vers Super-Chien, les yeux brouillés par les larmes de la reconnaissance. Il lui sourit, étendit la patte et à l'instant même, elle ne ressentit plus ni la douleur, ni la faim. Elle était guérie, parfaitement, et en bonne santé. Elle voulut sauter au cou de Super-Chien pour le remercier, mais il avait déjà disparu, appelé par une autre mission. Elle ne put que distinguer l'éclair blanc qui, en un instant fugace, disparut dans l'horizon azuré.